par Jean-Dominique Michel, anthropologue, expert en santé globale de l’entreprise. Il a fondé l’Institut BrainFIT qui propose des formations en neurosciences appliquées au monde du travail
Quelle que soit la sophistication (notamment technologique) de notre mode de vie, l’entreprise reste une tribu (pour les PME) ou une tribu de tribus. Ses processus sont surdéterminés par les fondamentaux de la culture d’une part et les spécificités de notre neurologie d’autre part.
Je remercie les organisateurs de ce colloque pour leur invitation, qui m’a été d’autant plus agréable que le sujet que nous traitons aujourd’hui était celui sur lequel je m’affairais au moment où la crise du Covid est arrivée.
Anthropologue de la santé, j’ai depuis mars 2020 bifurqué dans la direction de décoder l’invraisemblable crise « prétendument sanitaire » que nous avons vécue et continuons de vivre.
Celle-ci est en réalité profondément révélatrice des lignes de force qui travaillent notre société. Ce n’est bien sûr pas l’objet de notre colloque. Il me semble toutefois important de mentionner, même résumé à l’essentiel, le motif réel de ce qui nous été infligé.
Nous savions en effet fort bien comment gérer un épisode épidémique respiratoire de cette nature et de cet ordre de grandeur[i]. Pourtant, au lieu d’appliquer les plans adéquats, les autorités les ont remisés au vestiaire en leur substituant des réponses dystopiques – littéralement un copier-coller de la réponse imposée par la dictature chinoise à sa population-, avec des trains de mesures connues de longue date pour être destructrices et inefficaces.
J’ai mentionné très tôt dans cette crise que les conséquences, sanitaires mais surtout socio-économiques, de cet égarement seraient dévastatrices pour nos sociétés, précipitant en pure perte des dizaines de milliers de PME dans le dépôt de bilan.
Avec au passage un appauvrissement massif des classes laborieuses et de l’économie réelle d’une part et un enrichissement éhonté des grandes sociétés transnationales et des plus grandes fortunes de l’autre[ii].
Avant de travailler sur cette crise, je me suis occupé tout au long de ma carrière d’un ensemble de questions relevant de la santé publique et notamment (c’est ce qui nous intéresse ici) de la santé en entreprise. Avec ce constat, incontournable mais encore relativement peu mis en lumière, que la santé en entreprise n’est fondamentalement pas différente de la santé de l’entreprise.
On observe ainsi que les principaux facteurs de stress au travail tiennent à des paramètres organisationnels ou structurels, alors que les réponses proposées se cantonnent la plupart du temps à offrir des programmes de formation à une « meilleure gestion du stress » aux collaborateurs. On privatise donc la réponse à un problème principalement institutionnel.
[i] Toubiana L., Covid 19 – Une autre vision de l’épidémie – Les vérités d’un épidémiologiste, éditions L’Artilleur 2022
[ii] Sur l’ensemble de ces questions, voir Schippers MC, Ioannidis JPA et Joffe AR, Mesures agressives, inégalités croissantes et formation de masse pendant la crise du COVID-19 : vue d’ensemble et propositions pour l’avenir, Frontiers in Public Health, 10 :95065, texte disponible en français : https://anthropo-logiques.org/wp-content/uploads/2022/10/Mesures-agressives_FR.pdf